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Affaire Dominici .Parti 5 . ( mise a jours ) Soixante ans après, des étudiants en droit acquittent Gaston Dominici
30/09/2011 13:51
Le premier procès et la condamnation :
Le procès de Gaston Dominici débute le 17 novembre 1954. Déplaçant les foules, il a une ampleur internationale et mobilise plusieurs écrivains français dont Jean Giono et Armand Salacrou. Gaston Dominici, fruste et peu loquace, présente une défense malhabile. Au cours d'une audience, le commissaire Prudhomme de Digne concède avec réticence avoir suggéré le mobile sexuel à l'inculpé. L'élément clé de l'affaire demeure la carabine, qui ne semble appartenir à personne et dont personne ne revendique la propriété alors qu'elle a été vue chez P. Maillet durant l'été 1950, présentée au docteur Morin par Gustave à La Grand'Terre à la fin de l'été 1951 et entreposée chez les Perrin d'après Gaston. Le fait que l'arme était entreposée à La Serre par Clovis lorsqu'il braconnait en compagnie de Roger Perrin prouve que l'aveu des crimes que lui aurait fait son père était une invention de sa part ; la contre-enquête le démontrera. Depuis la perquisition de 1948, il est certain que la US M1 ne s'y trouvait pas. Cette perquisition fait suite au contrôle routier et à la fouille corporelle par les gendarmes d'un cheminot dénommé Sube, à proximité de la ferme, qui avait dérobé un chargeur de PM Sten chez les Dominici. Elle permettait la saisie d'un Mauser avec des munitions et un PM Sten que Gustave avait ramené du maquis et tenait caché dans la cheminée, ainsi qu'un pistolet 6.35 appartenant à son frère Aimé. Gustave avait été condamné à 6 000 anciens francs d'amende avec sursis. L'avocat général Calixte Rozan souligne lors de son réquisitoire que l'arme du crime est probablement la propriété de Clovis Dominici. Le principal avocat de Gaston, Maître Pollack, a démontré son absence de conviction et son goût marqué pour les belles phrases creuses. Au moment de l'intervention du psychiatre Boudouresque, la défense n'hésitera pas à se retourner contre son client à la surprise de l'assistance. Lors des audiences, le peu de réaction de la défense a été remarqué dans les moments où son client était malmené et sur les points où il était possible d'enfoncer le dossier. Tout au long du procès, la défense a laissé passer les occasions de réagir et de démonter l'accusation. Elle s'est refusée d'exploiter l'épisode de Gustave dans la luzerne, le croquis du greffier Barras désignant l'emplacement de la US M1 dans la remise, l'expertise du graissage de l'arme du crime, les constatations du docteur Dragon, le témoignage de Francis Perrin, facteur de Lurs qui, à l'inverse du gendarme Marque sera convoqué mais ne sera pas appelé à la barre. Ce sont des manquements objectifs à la déontologie de la défense. À lui seul, le réquisitoire du 27 novembre de l'avocat général Rozan constitue une illustration de l'absence de preuves. Il va développer des considérations subjectives sur le pays et les gens, des jugements de valeur sur le justiciable et les témoins frisant l'insulte. Il décrit Gaston comme un mage qui sait délivrer les femmes en gésine et utilise les simples comme médecine, évoquant « les esprits mauvais » de la Durance, un homme élevé à la dure, nourri d'une soupe et d'un quignon de pain mais de la race des chefs; en somme un être diabolique qui se complaît dans un univers médiéval. Il provoque l'étonnement des chroniqueurs judiciaires qui ont l'impression d'assister à un procès en sorcellerie. Sans jamais s'attaquer aux faits ni tenter d'apporter des preuves tout en les assortissant de certitudes subjectives, l'avocat général a préféré le lyrisme littéraire à la réalité des faits. Une des nouveautés de ce procès est la retransmission radiophonique du réquisitoire à l'extérieur. L'absence d'autorisation écrite du président de la Cour d'Assises est théoriquement un motif de cassation ; la Cour de Cassation, en contradiction avec la jurisprudence, refusera pourtant le recours. Interrogé sur cette diffusion publique, le procureur général d'Aix-en-Provence Orsatelli va la nier contre le témoignage de centaines de personnes présentes dont nombre de journalistes, et comme on peut le voir sur les photos et les films d'actualités. Le procès tourne au règlement de compte familial, sans souci des victimes. Ce comportement indispose le jury et le convainc de la culpabilité de l'accusé. Le président Marcel Bousquet, dont la partialité est éclatante, en vient à menacer de prison plusieurs témoins qui sont contraints au mutisme. En particulier au moment où, Clovis va craquer face aux accusations de complot assénées par Gaston, Gustave et sa sœur Augusta ; Clovis va être sauvé par le président Bousquet sous la menace véritablement inouïe de l' expédier en prison s' il se livre à des révélations. Le summum de cette parodie est atteint le soir du 27 novembre 1954 lorsqu'un tournoi de belote est organisé : il met en présence avocats de la défense et de la partie civile, policiers, journalistes, jurés et témoins parlant sans retenue du procès en cours au grand scandale des observateurs. Au bout de douze jours d’audience, et malgré l'absence de preuves, Gaston Dominici, 77 ans, est déclaré coupable sans circonstances atténuantes, ce qui le condamne à mort le dimanche 28 novembre 1954.
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La contre-enquête et la grâce présidentielle :
Sous le coup de ce verdict, Gaston Dominici fait part à l'un de ses défenseurs, Me Léon Charles-Alfred, d'une conversation qu'il dit avoir surprise entre Gustave et Yvette dans les jours qui ont suivi le drame. Aux termes de celle-ci, Roger Perrin aurait aidé Gustave à transporter Elisabeth. Les avocats de Gaston transmettent cet élément d'appréciation au ministre de la justice. Au vu de ces déclarations, le ministre estime nécessaire de prescrire une nouvelle instruction le 9 décembre 1954. Celui-ci fait d'abord interroger le condamné par un magistrat, le substitut Joseph Oddou, devant qui il confirme ses dires le 13 décembre. Le 13 décembre 1954, le procureur général Orsatelli dépêche son substitut Joseph Oddou aux Baumettes pour demander à Gaston de confirmer les déclarations informelles qu'il a donné à ses avocats les 28 et 29 novembre. S'il met en cause Gustave et Roger Perrin, il dit qu'il ne sait pas qui a fait quoi. Il confirme ce que la Cour de Digne n'a pas voulu entendre, à savoir que la US M1 était dissimulée par Clovis à La Serre, ferme des Perrin. Le 15 décembre, le Garde des Sceaux Guérin de Beaumont prescrit un ordre au procureur général d'Aix-en-Provence Orsatelli, pour diligenter une mission d'information qui est alors confiée à deux policiers parisiens, le commissaire divisionnaire Chenevier et le commissaire principal Gillard, de la direction des services de police judiciaire en vue de vérifier les déclarations de Gaston sur la conversation surprise entre Gustave et Yvette le 7 août 1952. Les deux commissaires entendent Gaston Dominici les 19 et 20 décembre 1954 à la prison des Baumettes. Mais il varie beaucoup au cours de ces longs entretiens. Après avoir confirmé ses dires à Me Charles-Alfred et au substitut Oddou, il déclare avoir vu lui-même Gustave et Roger transporter la petite Elisabeth, puis il se rétracte, revenant à la conversation surprise. Lors des interrogatoires des 19 et 20 décembre 1954, Gaston livre incidemment une information aux deux commissaires : il dit que de toute la famille, seul Roger Perrin porte des chaussures à semelles de crêpe. Lors de la découverte du corps d'Elizabeth par les gendarmes, ceux-ci ont relevés des empreintes de semelles de crêpe qui allaient et venaient à proximité du petit corps, alors que Gaston porte habituellement des brodequins cloutés. Le 19 décembre 1954, le commissaire Chenevier demande à Gaston pourquoi il a prétendu se sacrifier avant de changer d'avis. Gaston lui répond qu'il ne veut pas payer pour un autre ; ce qui l'a fait changer d'avis, c'est qu'il pensait être acquitté. Le commissaire ironise sur cette attitude mais le condamné maintient qu'il est innocent. Chenevier demande " qui alors ? " ; Gaston s'en tient à ce qu'il a dit au juge et répète les déclarations qu'il a faites au substitut Oddou. Il apporte quelques précisions sur le fait que Gustave ne l'ait pas entendu sortir et rentrer dans la nuit du drame. Il explique que pour le repas de midi, il se déchausse dans la cuisine pour enfiler ses pantoufles car, ensuite il fait une sieste dans son fauteuil ; alors que le soir, il monte se coucher avec ses brodequins et les remet pour partir à l'aube. Il affirme que ce sont les policiers qui lui ont appris la cachette de l'arme dans la remise. Il précise que celle-ci a été nettoyée par Gustave et Yvette après le départ d'Aimé en janvier 1951. Ceux-ci confirmeront et diront qu'il n'y avait pas de carabine sur l'étagère. Gaston raconte qu'au retour d'une partie de chasse, Clovis aurait dit : " Si j'avais eu la carabine, à 140 m je l'avais ". Gaston induit qu'il s'agit de l'arme du crime. Plus tard, Clovis niera (PV 424/29 du 17/10/55 Cote C 250 de Chenevier), et les chasseurs, sauf son frère Marcel (PV n° 7 du 22/12/54 de Gillard, Cote C 11)>.(Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence à Digne pour ces deux procès-verbaux), disent ne se souvenir de rien ou diront alors qu'il s'agit du PM soviétique saisi chez les Perrin. Or la précision d'un pistolet-mitrailleur est aléatoire au-delà de 25 m, autant dire qu'à 140 m, cela relève de l'impossibilité pure et simple et défie tous les calculs de probabilité.(Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence à Digne pour ces deux procès-verbaux). Le 21 décembre, Augusta Caillat, l'une des filles Dominici, déclare au commissaire Gillard que Clovis lui a parlé du croquis dressé par le greffier Barras, désignant dans la remise l'étagère où la carabine Rock-Ola aurait été entreposée. De même, Gustave leur avait donné sa propre version de cet épisode, rapportée ultérieurement au commissaire Chenevier. Le 23 décembre, les commissaires Chenevier et Gillard font un premier rapport de leur mission exploratoire au procureur de Digne, Sabatier motivant une requête de délégation générale. Le 27 décembre, les deux commissaires donnent un compte-rendu de leurs premières investigations au Garde des Sceaux. Le juge Roger Périès est nommé à Marseille, selon son désir, et remplacé par un juge suppléant de Toulon, Pierre Carrias, lui-même nommé juge d'instruction à Digne le 7 janvier 1955. Il sera confirmé dans sa fonction le 3 février pour diriger la deuxième instruction. Le 25 février 1955, le procureur de Digne Sabatier signe un réquisitoire introductif pour l'ouverture d'une information contre X du chef de complicité d'homicides volontaires. Le juge Carrias procède personnellement à certains actes d'instruction, tels que la confrontation du commissaire Sébeille et de Gustave Dominici, au cours de laquelle ce dernier mime la scène au cours de laquelle il a accusé son père en pleurant sur l'épaule de Sébeille. Mais aussi, selon le vœu du ministre de la justice, le juge délivre aux commissaires Chenevier et Gillard des commissions rogatoires en vertu desquelles ceux-ci se livrent à des investigations approfondies, entendant de nombreux témoins à qui ils posent un très grand nombre de questions préparées selon un plan soigneusement mûri. Quant à Gaston Dominici, détenu à la prison des Baumettes, il est interrogé et confronté, aussi souvent que nécessaire, par le juge d'instruction Jacques Batigne, du tribunal de Marseille. Le 8 mars, le juge Carrias court-circuite les enquêteurs ; Chenevier apprend par voie de presse que le juge Batigne a interrogé G. Dominici puis l'a confronté à Gustave et Yvette Dominici. Le 16 mars, les enquêteurs rencontrent le juge Carrias qui ne prend aucune décision pendant trois mois. Le 21 mars 1955, le juge Carrias, organise une reconstitution à La Grand'Terre pour vérifier si la conversation surprise par Gaston était audible de celui-ci. Le juge se poste sur le palier et le procureur Sabatier dans la chambre du couple, pendant que Gustave et Yvette s'allongent sur leurs lits. Carrias dit ne distinguer aucun mot quand les époux murmurent. Le procureur leur demande de recommencer à voix basse. Le juge entend mieux mais sans distinguer quoi que ce soit. Les époux refusent catégoriquement de répéter les mots que Gaston aurait entendu : « bijoux, petite, portait, Roger, mouchoir ». Connaissant l'enjeu de cette reconstitution, le couple va obéir mais en parlant à voix suffisamment basse pour ne pas être compris. À l'époque des faits, s'ils n'avaient pas entendu Gaston monter et redescendre l'escalier en pantoufles, ils n'avaient aucune raison de se méfier en parlant distinctement. Le 15 juin a lieu une nouvelle rencontre des commissaires avec le juge Carrias ainsi qu'une entrevue avec le capitaine Albert. Le 16 juin, le juge Carrias refuse de délivrer la commission rogatoire promise la veille. Le 20 juillet, le juge Carrias délivre une commission rogatoire d'ordre limité qui réduit pratiquement à l'impuissance les policiers. Le 30 juillet, Gaston est entendu par le juge Batigne. Il lui dit qu'en arrivant sur les lieux du drame, peu après 8h00, en compagnie de Roger Perrin et de Gustave, il y avait beaucoup de monde dont le boucher Nervi. Or, à cet instant, seul le gendarme Bouchier est présent, et Gaston lui a demandé la permission d'aller recouvrir le corps de la fillette avec une couverture. Imprudent, le gendarme laisse faire Gaston sans surveillance ce qui va permettre à ce dernier de mettre en place la trouvaille du morceau de crosse. En présence de Chenevier, Gaston nie tout ce qu'il a pu dire le 20 décembre 1954 mais confirme que Gustave a ramené R. Perrin et J. Galizzi sur sa moto avant d'aller voir avec eux l'éboulement sur la voie ferrée. Gaston se reproche d'avoir parlé de l'éboulement à Gustave. Ce dernier ne serait pas allé à Peyruis et n'aurait pas ramené Roger ni les autres. Cette fois, le commissaire lui demande de préciser s'il s'agit des Drummond ou de tierces personnes. Gaston refuse de préciser. Plus tard, il reviendra sur ses déclarations, prétextant avoir tout inventé pour blaguer, ce qui laisse supposer que des membres de la famille sont venus le chapitrer. Le 3 août, le commissaire Chenevier interroge François Barth. Celui-ci dit qu'il a été question de la femme vêtue de noir, lors de sa venue en fin d'après-midi le 5 août 1952, dans la cour de La Grand'Terre. De même, Mme Barth, dit au commissaire Gillard qu'elle a entendu parler d'une femme en noir et que celle-ci se serait trouvée sur la voie ferrée. Leurs témoignages sont intéressants dans la mesure où ils contredisent celui de leur fille Yvette, qui nie cette présence. Le 4 août, Francis Perrin, le facteur de Lurs apprend au commissaire Chenevier que Gustave Dominici aurait demandé à son frère Aimé Perrin si au moins il n'avait pas dit aux gendarmes qu'Yvette était venue avec lui au bivouac des Drummond le soir du 4 août 1952. Aimé Perrin confirme et Gustave l'aurait enjoint de ne pas dire qu'Yvette était venu avec « le petit » plus tard dans la soirée. L'expression « le petit » ne désigne sans doute pas le bébé Alain, âgé de dix mois, mais plutôt Roger Perrin ramené de La Serre par Gustave, vers 21h30, lors de son retour après sa visite chez Faustin Roure à Peyruis, vers 21h00. Les 5 et 10 août, interrogée par Chenevier puis Gillard, Yvette se souvient brusquement, trois ans exactement après les meurtres, qu'elle a accompagné Gustave à l'éboulement avec Alain dans ses bras. C'est en revenant du pont, vers 20h15, qu'elle a entendu la Hillman se garer sur le terre-plein. Yvette prétend que, de loin, avec le crépuscule qui tombait, elle a pu prendre la robe rouge d'Anne Drummond pour une robe noire, ce qui rend sceptique le commissaire. Sur ce point, elle contredit Gustave, qui a reconnu, le 12 novembre 1953 que les Anglaises étaient venues prendre de l'eau avant son retour à la ferme vers 20h00. C'est Yvette qui le lui aurait appris dans leur cuisine. Le 5 août, Aimé Perrin confirme au commissaire Chenevier que Gustave est venu les rejoindre, après son arrivée sur les lieux du drame en compagnie des gendarmes Romanet et Bouchier, seul, à pied et, précision importante, sans son vélo. Romanet est entendu à son tour sur l'épisode durant lequel Gustave l'aurait délivré lorsqu'il s'était enfermé à l'arrière de la Hillman alors qu'il procédait à sa fouille. Le gendarme réfute fermement la réalité de cet épisode. Gustave avait raconté cette opération au commissaire Sébeille pour que l'on ne s'étonne pas de retrouver ses empreintes sur la poignée de la porte arrière. Gustave savait donc qu'elle ne s'ouvrait que de l'extérieur et l'avait déjà manoeuvrée. S'il avait eu besoin d'ouvrir cette portière arrière c'est dans un but de vol ou, simple hypothése, en vue d'extraire Elizabeth séquestrée dans la Hillman suite aux meurtres des parents. Cette portière, qui ne s'ouvrait que de l'extérieur, contredit la thése de l'accusation selon laquelle Elizabeth dormait dans la voiture et qu'elle en avait jailli à l'extérieur au moment de l'agression. Il est évident que Gustave l'a effectivement ouverte, pour fouiller et tout mettre sens dessus dessous. Pourtant, l'Identité Judiciaire ne trouvera aucune empreinte sur les poignées des portières comme si elles avaient été nettoyées. Quelqu'un s'en serait-il chargé à l'insu de Gustave ? La seule possibilité désigne logiquement Clovis.Le 6 août, le commissaire Gillard interroge le boucher Nervi. Selon ce dernier, il s'est arrêté sur les lieux du drame vers 7h30, quand s'y trouvent seulement les gendarmes Romanet et Bouchier avec Gustave et Aimé Perrin. Gustave aurait demandé au boucher d'emmener Yvette au marché d'Oraison, ne pouvant l'accompagner en moto comme d'habitude. Ceci est mensonger puisque c'est son père F. Barth qui vient la chercher mais pour l'emmener au marché de Forcalquier. Nervi poursuit en disant que Gustave l'a amené à la ferme où Yvette se préparait et ils seraient partis à 8h10. Or, à cette heure F. Roure était présent et n'a signalé ni la camionnette ni le boucher ; ce dernier précisera n'avoir vu ni Gaston ni Roger Perrin pourtant présents sur les lieux du crime peu après 8h00. Le 10 août, Yvette, devant Gillard, contredit Nervi disant que c'est Roger qui est venu accompagner le boucher. Tous deux resteront sur leurs positions. Pendant le trajet, Nervi aurait tenté d'en savoir plus et Yvette l'aurait rabroué sèchement. Selon Roger, le 7 mai 1953, il dira au commissaire Sébeille que les parents Barth sont venus à la ferme à 9h15, mais comme Yvette n'était pas prête, ils seraient repartis. Le 22 octobbre 1955, face à l'inspecteur Leclerc, F. Barth niera et dira qu'il a appris le drame par son fils et sa femme qui ont rencontré Yvette au marché d'Oraison. Pourtant Roger Perrin sera conforté par un témoin extérieur, le cafetier de Lurs, Augustin Bonnet, qui, revenant de la ferme Guillermin, dit avoir vu, en remontant vers Lurs vers 8h30, la voiture de F. Barth descendant la route de Forcalquier en direction du carrefour de la RN 96. Le 10 août, le commissaire Chenevier apprend par Gustave que lui et son frère se sont concertés, dans le Palais de Justice le 14 novembre 1953 à 8h00 pour désigner, sur la même étagère de la remise, l'emplacement de la carabine US. Selon Gustave, Clovis aurait sorti un croquis de sa poche, en présence du greffier Barras, et lui aurait désigné sur quelle étagère se serait trouvé la US M1. Le 12 août, Roger Perrin confronté à Yvette, maintient ses précédentes déclarations sur la venue des anglaises à la ferme et ajoute qu'Yvette aurait proposé aux femmes Drummond de s'installer au même endroit où avaient campés les Morin en 1951, à la sortie du pont de la voie ferrée ; Yvette nie cette version. Ce même jour, le commissaire Chenevier confronte Gustave et Roger : celui-ci soutient que c'est son oncle qui lui a appris la présence de la femme en noir en compagnie des Drummond, alors qu'il se rendait à l'éboulement vers 20h15, ce que Gustave nie fermement. En août et octobre 1955, le juge Carrias fait auditionner sur commission rogatoire l'inspecteur Girolami par le juge Désiré Gervaise à Casablanca, où il avait été muté aux Renseignements généraux du Protectorat. Dans l'après-midi du 5 août 1952, l'inspecteur avait remarqué la présence, en face de la porte de la cuisine, d'un pantalon appartenant à Gaston. Ce vêtement, fortement mouillé, n'était ni taché ni ensanglanté. Le vieillard lui avait appris que son linge n'était pas lavé à la ferme mais chez sa fille Augusta Caillat qui le rapportait propre et repassé. Girolami s'était donc étonné de ce que ce pantalon fut lavé sur place seulement quelques heures après le triple meurtre. Il s'était donc empressé de confier ses soupçons au commissaire Sébeille qui n'y avait prêté aucune attention, tout occupé à la recherche d'indices et de l'arme du crime. Le 21 septembre, il sera à nouveau question de ce pantalon lors d'une audition d'Yvette et de Marie Dominici par le juge Carrias. Gaston sera auditionné sur ce même pantalon par le juge Batigne le 24 octobre.(Commission Rogatoire n° 3999 du 24/08/1955 du tribunal de première instance de Casablanca.Cote C 155).ADHAP de Digne. Le 23 septembre, le juge Carrias organise dans son bureau, une confrontation entre le commissaire Sébeille et Gustave, en présence du greffier Barras et du divisionnaire Harzic, supérieur du commissaire. Gustave se plaint d'avoir été victime de pressions intolérables de la part des policiers lors de la dénonciation de son père le 13 novembre 1953. Sébeille réfute ses propos et propose à Gustave, avec l'accord du juge, de mimer l'épisode durant lequel il s'est effondré en pleurs sur l'épaule du policier en dénonçant Gaston, ce qu'il va faire complaisamment et pose la question de sa sincérité. Gustave reconnaît qu'à ce moment-là, il ne subissait pas de pression lors de l'épisode de sa dénonciation mais qu'il se souvenait d'autres pressions. Quarante ans plus tard, le juge fort de son expérience, se posera la question de savoir si le commissaire Sébeille avait été sincère ou les avait tous abusés. Le 29 septembre, le juge Carrias délivre une nouvelle commission rogatoire plus large aux commissaires Chenevier et Gillard. Le 12 octobre, Mauricette et Aimé Dominici sont interrogés ; les réactions du couple laissent penser aux policiers qu'ils connaissent la carabine US. Du moins, Aimé a vu cette arme entre les mains d'un de ses frères ou de son père avant le 24 janvier 1951, date de son départ de La Grand'Terre pour s'installer à Eygalières dans les Bouches-du-Rhône. Les 12 et 16 octobre, Chenevier et Gillard interrogent le docteur Morin de Nice, qui a campé avec son épouse près de la ferme Dominici à l'invitation de Gustave. Il dit reconnaître la US M1 comme étant la carabine réparée en sa présence par Gustave Dominici durant l'été 1951, notamment la soudure de la demi pièce de un franc en remplacement du guidon disparu. Confronté à Gustave, ce dernier nie farouchement et accuse le médecin d'avoir tout inventé. Ses dénégations donnent un certain crédit au témoignage du docteur Morin. Le 17 octobre, interrogé à son tour, Clovis Dominici suggère que son frère Gustave a pu ramener la carabine US du maquis. Clovis s'insurge également contre les accusations de Gustave portées à son encontre le 10 août : il ne nie pas l'existence du croquis mais prétend que celui-ci a été dressé par un policier. Le 19 octobre, Jean Girard, oncle maternel d'Yvette, fait savoir à l'inspecteur Leclerc, subordonné de Chenevier, qu'Aimé Dominici lui a appris que Gustave aurait amené les Drummond sur le terre-plein des Ponts et Chaussées ; si le fait est avéré, cela voudrait dire que Gustave est rentré chez lui bien avant 20h00. Jean Girard ajoute que Clovis est venu à La Grand'Terre le soir du 4 août 1952, avant de se rendre sur le bivouac où il se serait disputé avec les Drummond, ce que nie Clovis. Le 21 octobre, confronté à Aimé et Clovis Dominici, Jean Girard maintient ses déclarations alors que Clovis nie, Aimé confirme les dires de J. Girard mais ne se souvient pas de qui il les tenait. Ce même jour, Jean Galizzi, ami de Roger et amant de sa mère Germaine, déclare à la gendarmerie de Forcalquier qu'il a passé la nuit du 4 au 5 août 1952 à La Cassine en compagnie de Roger père et de son épouse Germaine Perrin. Confronté à Clovis, le cheminot Bourgues confirme que son collégue est arrivé en retard sur le chantier le matin du 5 août 1952. Clovis nie en accusant Maillet d'être l'auteur de ce retard. Interrogé à son tour, Paul Maillet dira être arrivé à 7h15 et avoir appris la tuerie par Bourgues, ce qui veut dire que Clovis n'était pas présent à ce moment ; les PV 353/40 du 10 août 1955 de Gillard et le PV 12-R du 31 août 1952 de la gendarmerie de Forcalquier le confirment. Toujours le 21 octobre, le commissaire Chenevier confronte Clovis et Gustave. Ce dernier répète ses accusations du 10 août envers son aîné et ajoute que, dans la voiture de police qui les amenaient à La Grand'Terre, Clovis serait revenu à la charge en lui murmurant de dire que leur père avait pris la carabine US pour aller chasser le blaireau. La scène se serait déroulée le dimanche 15 novembre 1953 au matin et non la veille. Clovis nie tout et réfute les accusations de son frère cadet. Le commissaire Chenevier va vérifier auprès du greffier Barras qui lui en donne une version tout à fait différente. C'est dans le bureau du juge Périès absent, pendant la garde à vue des deux frères le soir du 13 novembre 1953, qu'il a réalisé le croquis pour mettre les choses au clair et faire concorder les déclarations des deux frères pour la désignation de l'étagère. Le témoignage du greffier détruit le seul élément matériel de l'accusation : la présence de la carabine US dans la remise de la ferme. Le commissaire en tombe des nues mais ne demandera pas de commission rogatoire au juge Carrias pour entendre officiellement le greffier. Il en rendra compte dans son rapport final en atténuant la portée et les conséquences pour le greffier Barras et le juge Périès. Le 22 octobre, Francis Perrin rapporte à l'inspecteur Goguillot, de l'équipe Chenevier, qu'il a entendu dire que Gustave a ramené J. Galizzi sur sa moto en même temps que Roger Perrin le soir du 4 août 1952. Le commissaire Chenevier n'estime pas nécessaire de vérifier. L'hebdomadaire France-Dimanche publie une lettre de Gaston où ce dernier répète la conversation qu'il a surpris entre Gustave et Yvette, et accuse nommément son fils Gustave et Roger Perrin d'être les véritables auteurs du triple meurtre. Le 18 novembre, Clovis désavoue Gustave en confirmant le déplacement du campement du couple Morin, durant l'été 1951, vers la plateforme qui surplombe l'endroit où a été retrouvé le corps d'Elizabeth Drummond. En présence du juge Batigne et de Chenevier, Roger Perrin est confronté à Gaston. Roger se montre d'une rare insolence envers son grand-père et va jusqu'à le provoquer. Mais comme le commissaire le notera, l'attitude de Roger démontre qu'il se sent protégé par un interdit qui empêche son grand-père d'aller plus loin dans ses accusations. La manière dont Roger s'en vante devant lui donne à penser au commissaire que le jeune homme est impliqué bien autrement que comme simple témoin ou complice passif dans le drame. Le 22 novembre, le commissaire Gillard rappelant à nouveau ce qu'a rapporté Aimé Perrin à propos de la femme habillée de noir, Yvette change de version en prétendant qu'il s'agit de sa belle-mère, vêtue de noir, qui l'attendait sur la route. Ce nouveau revirement ne convainc pas davantage le commissaire. Le 19 janvier 1956, Roger Perrin déclare à Chenevier que, dix jours après le verdict, Léon Dominici aurait conseillé au père de son neveu de le faire engager dans la Légion étrangère pour lui éviter des poursuites judiciaires. Comme ça, on pourrait l'accuser des crimes et faire libérer le grand-père Gaston ; outre le fait que la Légion n'aurait jamais enrôlé une recrue coupable d'un tel carnage, cela montre à quel point Léon avait quelques doutes sur l'innocence de son neveu. Le 10 février 1956, les deux commissaires se déplacent à la prison de Nîmes pour entendre le détenu Jean-Baptiste Bossa. Celui-ci leur fait savoir que, détenu à la prison Saint-Charles de Digne en même temps que Gustave, il a surpris sous la fenêtre du parloir les conversations d'Yvette et de son mari. Il leur rapporte que ces conversations mettent directement en cause Gustave dans le déroulement de l'assassinat des Drummond. Le 25 février 1956, le commissaire Chenevier remet son rapport final au préfet directeur de la police judiciaire. Cette deuxième instruction met en lumière les rôles joués par Gustave et Roger Perrin fils avec une possible participation de Gaston Dominici mais sans en apporter la preuve. Le 13 novembre 1956, devant l'absence d'éléments nouveaux mis au jour par la contre-enquête, le juge Carrias rend une ordonnance de non-lieu qui clôture la deuxième instruction et met définitivement fin à l'action judiciaire consécutive au triple meurtre de Lurs. À l'issue de la contre-enquête, le commissaire Sébeille connaît le désaveu avant d'être déclassé le 22 décembre 1959 comme commissaire de la sécurité publique au commissariat de quartier de la Belle de Mai à Marseille. Il n'obtiendra jamais la promotion au grade de commissaire principal ni la Légion d'honneur promises fin août 1952. En 1957, le président Coty commue la peine et, pour le 14 juillet 1960, le général de Gaulle gracie et libère Gaston Dominici. Sur la fin de sa vie, il choisit comme confident le révèrend père Lorenzi, un moine bénédictin du monastère de Ganagobie qu'il connaissait depuis 1915. Assigné à résidence à Montfort après son élargissement, Gaston Dominici décède le 4 avril 1965 à l'hospice de Digne-les-Bains, sans que soit établi son degré d'implication dans le triple meurtre de la famille Drummond. Selon la tradition locale, le père Ferdinand Bos reçut la confession du vieillard mais ne la trahit jamais.
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L affaire Dominici , parti 1 :
L affaire Dominici , parti 2 :
Journaux de l époque :
Reportage l Affaire Dominici :
Soixante ans plus tard, à l'initiative de l'association Juristribune, de l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), des étudiants en droit reconstituent ce procès.
"Quel petit menteur", lance "Gaston Dominici",
joué par François Cottier, 21 ans, étudiant en 3e année de droit qui écoute son petit-fils Roger l'accuser.
"Innocenter" "Mon but, c'est de l'innocenter", a déclaré M. Cottier avant le procès, "Gaston Dominici m'est apparu comme étant quelqu'un qui avait été abusé".
L'étudiant, qui s'est préparé grâce à quelques textes et procès-verbaux, a limité ses recherches "pour ne pas être influencé".
Les témoins, béret ou chapeau vissés sur la tête, défilent à la barre.
Le fils Clovis raconte qu'un soir, son père a dit : "J'en ai déjà tué trois, je peux en tuer quatre".
Le pseudo-commissaire Edmond Sebeille, en charge de l'enquête à l'époque, assure que l'accusé lui a confié peu après la découverte des corps que la mère de famille anglaise "n'a pas souffert", laissant supposer que le vieil homme aurait pour le moins assisté au crime.
Dans son réquisitoire, l'avocat général, joué par un chargé de TD, dénonce les "mensonges" du clan Dominici et argue que "tous les éléments conduisent à Gaston Dominici".
"L'accusé n'a qu'une idée en tête: échapper à la justice", tonne-t-il.
Du côté de la défense, on fustige une enquête de police "très critiquable", la scène du crime ayant été polluée par les curieux. "Notre but est de choisir une affaire où il y a du doute", explique Aurore Sum, 19 ans, organisatrice de la reconstitution. Juristribune organise depuis quatre ans des reconstitutions de grands procès.
En 2012, les étudiants s'étaient attelé à l'affaire Ranucci. "Notre dossier est préparé de la manière la plus objective possible. Comme il est très difficile d'avoir accès au vrai dossier, nous utilisons surtout internet, mais nous croisons les sources pour éviter les erreurs", souligne-t-elle.
Après six heures de procès, le verdict tombe:
Gaston Dominici est acquitté.
Source : orange-actu
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